la folie rouge
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le mal
Le mal se lève, et lentement le rêve s'efface,
Sous son règne meurt les gens de bien,
Stupides, s’étaient tus et n’entendaient plus rien,
Le cheval de Troyes est là et il terrasse.
Ployant sous le fardeau des misères accrues,
Dans la faim, dans la soif, dans l’épouvante assis,
Ils revoyaient leurs murs écroulés et noircis,
De leurs ville où pendent les viandes crues,
des carcasses de leurs princes, tremblant de dépit,
Des vaillants chevaux, jeunes et aïeux
Souillés, vides, fumants, tués par les pieux,
Et les vierges juments en pleurs sous le fouet,
Et le sombre cheval de Troyes, là bas muet.
l'éveil du héros
Or, laissant, ce jour-là, près des mornes aïeules
Et des poneys couchés dans les nattes de cuir,
Les juments aux yeux noirs de sa tribu gémir,
Le fils des plaines, meurtri par la sangle des veules,
Se leva, plein de haine pour ce cheval, ô triste sir.
C’était un soir des temps mystérieux du monde,
Alors que du midi jusqu’au septentrion
Toute vigueur grondait en pleine éruption,
L’arbre, le roc, la fleur, le cheval et la bête immonde,
Et que Dieu haletait dans sa création.
C’était un soir des temps, par monceaux, les nuées,
Émergeant de la cuve ardente de la terre,
Leurs hennissements tonnaient dans l’air,
Tantôt, d’un tourbillon véhément remués,
Ils se levaient en un immense éclair.
Les bandes d’étalons, par la plaine inondée
De lumière, gisaient sous le dattier roussi,
Et les taureaux, et les dromadaires aussi,
Tous venaient, répondant à l'appel du poney.
combat du rouge
L'armée était en marche, à leur tête le poney,
Il était bien décidé à voir le sang couler,
Vers le couchant rayé d’écarlate, un œil louche,
Vers le rouge s’enfonçant dans les écumes d’or,
Portant un regard éclatant et farouche,
Vers l'obscure Troyes, où le sang coule encore.
Et loin, plus loin, là-bas, le sable aux dunes noires,
Plein du cri des chacals et du renâclement
Du mal, et parfois traversé brusquement
Par quelque monstre épais qui grinçait des mâchoires
Et laissait après lui comme un ébranlement.
De même qu’au soleil l’horrible essaim des mouches,
Des taureaux égorgés couvre les cuirs velus,
Un tourbillon guerrier de peuples chevelus,
Chevaux du monde, s’épaissit, plein de crinières farouches.
Tout roule et se confond, souffle rauque des bouches,
Bruit des coups, les vivants et ceux qui ne sont plus,
Coeurs vides, étalons cabrés, flux et reflux
Le sang coule, le bien et le mal se touchent.
Les déments tordus de haine, les yeux ardents,
Le cheval de Troyes vole et grince des dents
Par la plaine où le sang exhale ses buées.
Poney rouge, sur le pavé d’or, se lève, furieux,
Et voici que le poney bennit des dieux
Bondit dans le combat du faîte des nuées.
Et devant le cheval de Troyes, il fut là,
Et le Voyant, sentit le poil de sa peau rude
Se hérisser tout droit en face de cela,
Car il connut, dans son esprit, que c’était là
La vraie angoisse et de la mort, la solitude.
Pourtant frappant, mordant, tirant et combattant,
Il finit par vaincre et mettre à terre,
L'ennemi honni, alors il hennit à l'air,
Mais là déconcerté, point de cheval, c'est de Troyes une jument.
Hésitant, la grâce il lui accorde,
Mais la jument par derrière, par traitrise,
Le tue, et lui par terre à se tordre,
Ainsi, avec sa victoire, sa vie fut prise.
mort première de rouge
Poney rouge, dans sa fosse étendu, pâle et grave,
À l’abri de la lune, à l’abri du soleil,
Et qui, dans le sol creux, gît d’un tertre chargé,
sa dépouille, ici bas, que nul bras n'a vengé
Le pieu entre les bras, dort d'un muet sommeil ;
Car les corbeaux n’ont point mangé la chair du brave,
Et la seule bruyère a bu son sang vermeil.
Mais son esprit, sans trouver le repos,
Erre sans fin sur les plaines éternelles,
Et partout résonne le hennissement du beau,
Des sombres montagnes, jusqu'au delà du ciel.
Et galopant à travers la folie de la mort,
Il traverse sans hésiter monts, et fleuve,
Et là, surgit du néant la dernière épreuve,
Au gardien il arrache sa vie, et tire sur ses mords.
A l’heure où le soleil blanchit l’herbe et le mur,
Il est revenu, de corps et d'esprit,
le poney est à nouveau complet et uni,
Mais dorénavant brille dans son oeil un éclat de folie pure.
combat deuxième la folie
Dorénavant, c'est poney rouge le fou,
A nouveau les plaines entendent son appel âpre,
A ses cotés guerriers et sorcières jouent,
L'introduction sanglante à l'hymne du massacre.
Les tambours résonnaient comme un funèbre chant,
Prend cette épée et massacre-les mon enfant,
lui dit la sorcière, tu es un combattant,
Il avait la rage et aimait le goût du sang!
Les commissures de ses lèvres étirées
Fendent son visage fou sous ses yeux amusés,
Passe un éclair rouge dans son oeil excité
Plus jamais son corps ne sera tombé!
Devant tous ces corps,ces débris tombant,
Se trouvait un océan de sang purulent,
Le jeune poney souhaitait se rassasier de rage,
d'orgie de Carnage et cerné par l'orage.
Un instant, un moment, puis l'heure de la marche;
Sauter dans les sombres flaques, tuant sans partage,
Piétiner les chairs éparpillées,massacrant les mages,
Il hennit au vent et met du coeur à la tache.
Et les éclats de rire et les chansons féroces
Mêlés aux beuglements lugubres des troupeaux,
Tels que le bruit des rocs secoués par les eaux,
L'ennemi avance, tel un fléau,
La jument de Troyes arrive, là, précoce.
Cette fois sans pitié,le fier destrier,
Il est là, Poney entre les poneys,
Il brandit son arme de dessous,
Et désormais, c'est poney rouge le Fou.
Il arrive, il surgit tel un tourbillon,
C'est là un furieux étalon,
Et la bête poussait ses hurlements de haine,
Et dans la plaine retentit la peine,
Et l’étalon, soufflant du feu par les naseaux,
Broyait les vieux palmiers comme autant de roseaux,
Mêlait sa clameur âpre aux cris des animaux.
De son pieu, il pénètre la jument de Troyes et ressort par le dos,
Mais le poney violent, du sommet de son aire,
Plus haut que ce tumulte entier, comme il parla,
lui susurrant dans l'oreille, à cet ennemie du bien,
D’une voix lente et grave et semblable au tonnerre,
Qui d’échos en échos par le désert roula:
-Tu crin."